· 

Le discopathe

 

 

« Haut les mains, haut les mains, haut les mains, donne-moi ton cœur, donne donne-moi ton cœur, donne donne... »

 

Tu te souviens de ce tube d’Ottawan des années quatre-vingt ? Allez viens, danse avec moi !

 

J’enlève ton bâillon si tu promets de ne plus crier. Ça ne servirait à rien, de toute façon. Regarde, je range mon arme, là, dans la poche de mon blouson.

 

Si tu te tiens tranquille, il n’y a aucune raison pour que je te corrige à nouveau. Lève-toi, maintenant ! Tu n’as pas le choix, tu le sais !

 

Tiens-toi plus droite, fais un effort, souris un peu… Balance la tête, c’est la fête ! Ondule bien des hanches, bouge plus tes fesses ! Oui… C’est bien ! Continue ! Tu es la reine du dancefloor !

 

« T’es OK, t’es bath, t’es in. T’es OK, t’es bath, t’es in. J’ai besoin de tendresse, j’ai tellement de problèmes, donne-moi ton adresse, je veux quelqu’un qui m’aime… »

 

Mais qui chante, là ? C’est encore Ottawan ! Ah, ah, ton adresse, je l’ai déjà ! Et pour cause ! Ne fais pas l’innocente ! Tu étais consentante ! C’est toi, non, qui m’as proposé de finir la soirée chez toi ? Tu m’as même dit que c’était un peu isolé…

 

Attends, je vais te desserrer un peu les liens, pour que tu puisses bouger les bras… C’est mieux ainsi, tu ne trouves pas ? Hum, tu sens bon ma chérie ! C’est quoi ton parfum, déjà ? Vas-y, danse pour moi, ma princesse aux yeux grenat !

 

Tu aurais préféré ramener un mec cool, hein, de ceux qui ne se font pas prier pour faire des galipettes… Mauvaise pioche ! Tu es tombée sur un cinglé, genre comme moi, un drôle d’oiseau de nuit… Tu prends des risques, ma cocotte ! On ne gagne pas à tous les coups !

 

« Viens danser, sous les sunlights des tropiques, l’amour se raconte en musique, on a toute la nuit pour s’aimer, en attendant viens danser… »

 

C’est Gilbert Montagné, bien sûr ! Wouah, ces percus, ça percute ! Fais-moi plaisir, ma jolie ! Allez, tourne sur toi-même, marque bien le rythme ! Oh ! Elle a ça dans la peau, la coquine !

 

Vous avez une bien jolie petite robe, mademoiselle, avec tous ces quadrillages qui mettent vos formes en valeur… Reprenez donc un verre de rhum, surtout ne dites pas non, je vous l’ordonne ! On trinque ? Cul sec ! Un autre ? Et hop !

 

« On va s’aimer sur une étoile ou sur un oreiller, au fond d’un train ou dans un vieux grenier, je veux découvrir ton visage où l’amour est né… »

 

Ne fais pas cette mine dégoûtée ! Tu aimes Gilbert Montagné, c’est obligé ! Indémodable, comme tous ces tubes des eighties compilés sur mon lecteur mp3 ! Ben oui, celui-là ! Il y a en a pour des centaines d’heures de musique ! Sois rassurée, on ne va pas s’ennuyer, tous les deux !

 

Lorsque j’en aurai fini avec toi, tu me donneras gentiment les clés de ta voiture, sans faire d’histoires. Je la laisserai sur le parking de la gare et je monterai dans le premier train qui se présentera.

 

Je prends la poudre d’escampette, je m’évapore, je disparais… Et toi, tu ne dis rien à personne, n’est-ce pas ? Motus et bouche cousue ! Tu m’as bien compris ?

 

Tu n’as rien vu, rien entendu. Pas de bêtise, hein ? Ne préviens pas les secours ! Ton seul recours, c’est moi ! Ah ! Ah ! Ah !

 

La ceinture explosive, là, dans mon sac, est pour toi, ma belle. Lorsque viendra le moment des adieux, j’enserrerai ta taille délicatement, tu te laisseras faire bien gentiment… Tu devras juste attendre quelques heures avant de retrouver la liberté de tes mouvements.

 

Lorsque je serai loin, un simple appel téléphonique de ma part suffira à la déconnecter. Tu peux me faire confiance, tu sais. Je ne suis pas un mauvais bougre. Pas la peine d’appeler une équipe de déminage !

 

Allez viens, ma petite bombe atomique ! Viens danser avec moi !

 

 

Texte écrit dans le cadre de l’atelier « L’Écritoire » de Meaux, février 2018.

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0