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Visite guidée

 

 

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, pour la visite guidée Art en folie, c’est par ici ! Vérifiez d’avoir fixé correctement votre casque de chantier et d’apposer sur vos vêtements le petit autocollant que l’on vous a remis à l’entrée.

 

Je m’appelle Andrea et je vous remercie d’avoir choisi cette formule. Elle vous réservera bien des surprises ! Tout le monde est prêt ? Vous êtes quinze inscrits, passez devant moi s’il vous plaît, que je vous compte…

 

C’est parfait !

 

Vous vous trouvez dans un lieu immense, deux fois millénaire, qui a connu la splendeur puis la décadence, son enfouissement puis son oubli. C’est bien plus tard, à la Renaissance, qu’il sera exploré. L’on y découvrira ces fresques de toute beauté que vous pourrez contempler tout à l’heure, en toute dernière partie de visite.

 

Elles inspireront ce que l’on nomme le style grotesque, magnifié par Michel-Ange, Le Pérugin, Botticelli, Ghirlandaio, pour ne citer qu’eux… Vous allez vivre une expérience passionnante, une incursion dans un monde fabuleux, un univers hors du commun !

 

Par ici, veuillez me suivre…

 

Dans ces premières salles transformées en musée d’art contemporain, vous sont présentées les dernières œuvres de l’artiste néerlandais Remco Wouters. Gare aux émotions fortes ! Vous êtes venus de votre plein gré, vous avez choisi cette formule, vous allez vous régaler !

 

Voici, mesdames, mesdemoiselles, messieurs, sur ce tapis sale et élimé, un dromadaire empaillé monté sur patins à roulettes. Vous constaterez qu’il croule sous des sacs en papier eux-mêmes pleins à ras-bord d’emballages de hamburgers, nuggets et autres frites, provenant d’enseignes de fast-food internationales réputées pour leur malbouffe.

 

Je vous laisse réfléchir sur le message véhiculé par cette première installation.

 

Veuillez allumer la lampe frontale de votre casque, s’il vous plaît. Nous entrons dans une zone de brouillard et d’obscurité.

 

Super, on y va !

 

Vous verrez, en vous avançant, une table métallique grise et imposante, genre mobilier fabriqué en RDA. Un vieux et gros poste de radio y est posé en plein milieu. Si vous vous approchez suffisamment, vous pourrez écouter les messages cryptés des résistants pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les messages ? Le brouillard ? L’après-guerre ? L’obscurité ?

 

Cela vous donne quelques pistes d’interprétation !

 

Éteignez maintenant votre lampe, nous n’en avons plus besoin pour le moment.

 

Merci !

 

La reproduction de ces statues gréco-romaines en résine de synthèse et aux couleurs fluo vous surprendra peut-être, d’autant plus que chacune d’entre elles est affublée d’un bonnet en peau de castor comme savent si bien en porter les Canadiens. Par contre, les Grecs et les Romains… L’artiste exprime dans cette œuvre multiple sa révolte contre l’uniformité, les a priori, l’intolérance. Tous pareils, tous différents.

 

Vous êtes perplexes, n’est-ce pas ?

 

Ce tableau aux dimensions gigantesques se nomme Gloire à la liberté d’écrire. Tout le monde a le droit, selon Remco Wouters, d’utiliser, en milieu urbain comme en milieu rural, l’espace des murs pour s’exprimer, laisser une trace, apposer sa signature, faire un dessin…

 

Et ce, de la façon qui lui convient : les graffitis, les tags, les pochoirs, les fresques peintes à la bombe, les affiches collées dans des endroits étudiés et choisis à l’avance, les détournements de panneaux signalétiques ou publicitaires… Bref, tout ce qui exprime une poésie, tout ce de quoi émane une fantaisie, une touche d’humour, un côté surprenant, un basculement du quotidien…

 

Mais je m’égare, venez plutôt par là.

 

Comme vous le savez peut-être, l’artiste plasticien, outre de parler le néerlandais, l’anglais et le japonais, maîtrise aussi parfaitement le français. Il a besoin, comme tous les gens curieux et cultivés dont vous faites partie, n’est-ce pas, de chercher dans le dictionnaire la définition des mots qu’il ne connaît pas.

 

Vous me suivez ?

 

Voilà pourquoi, sur ce manège enchanté très bucolique, tournent à la fois des faucons en plastique et des silhouettes d’hommes vigoureux en habits de campagne. Regardez ce qui est écrit sur ces affichettes, reproduites et collées à l’infini tout autour… Elles vous donneront la clé du mystère ! Hobereau : voir déf. 1) Faucon de petite taille 2) Gentilhomme campagnard de petite noblesse, qui vit sur ses terres. Pas trop le tournis ?

 

Continuons par ici.

 

Vous éprouverez peut-être une déception en franchissant cet épais rideau rose et blanc. C’est une installation sensorielle un peu fumeuse, plutôt bizarre et bien barrée… Il s’agit d’une réinterprétation, à la sauce hollandaise, du conte pour enfants Hansel & Gretel. Mais je ne vous en dis pas plus. Que les plus téméraires lèvent le doigt pour faire l’expérience. OK, tout le monde est intéressé ? Je vous laisse cinq minutes, puis je vous inviterai à passer de l’autre côté.

 

Alors ? Avez-vous aimé cette immersion dans la guimauve, le pain d’épices et la gelée de pomme ? À la limite de la nausée, oui, je suis plutôt d’accord…

 

Changeons de décor et de saveurs, suivez le guide !

 

Cette pièce parfaitement conservée, très certainement une salle à manger, a été entièrement décorée par des artistes au temps de Néron. Les centaines de jambons fumés qui y sont suspendus sont à interpréter comme une vanité. Tempus fugit, souviens-toi du temps qui passe, tu es mortel, toute chose est éphémère…

 

Imprégnez-vous, laissez les odeurs parvenir jusqu’à vos narines…

 

Pas trop fatigués ?

 

Profitez de la pause pour vous restaurer ! Des en-cas salés et sucrés, des boissons chaudes ou froides vous sont proposés sous forme d’un buffet. Servez-vous comme vous l’entendez, emportez quelques provisions… La route est encore longue !

 

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, notre visite guidée se poursuit par là.

 

La haute et massive porte en bois sculpté que je m’en vais ouvrir avec cette clé dorée, finement ouvragée, nous permettra d’accéder aux merveilles de l’Antiquité.

 

Nous nous dirigeons maintenant vers les cryptoportiques qui je l’espère, si je ne m’égare pas comme la dernière fois, nous mèneront à la villa proprement dite. Bien d’autres chocs artistiques et mises en scènes spectaculaires vous attendent !

 

Vous êtes tous volontaires ? Vous n’avez peur de rien ? Alors on y va. Un par un s’il vous plaît, que je puisse vous recompter.

 

On ne sait jamais.

 

 

Pour l'Écritoire du 13 avril 2018

 

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